"Salut a toi mon père."

La maison, elle n'est pas bien grande, et le jardin devant, il n'existe pas, malgré les peinture que monsieur Pim's en fait. Oui, il est peintre, ou du moins c'est ce qu'il prétend lorsqu'il n'est pas ivre. Non, il ne boit pas beaucoup, du moins c'est ce qu'il vous dira. Dans la vraie vie, il est maraicher, cultive toute sorte de plantes, alors que madame son épouse fabrique des bougies avec les herbes qui leur reste. Alors si il boit, c'est seulement pour avoir un peu moins mal quand il part travailler aux aurores, pour oublier que son mariage est un échec, et que sa tendre épouse ne lui a toujours pas donné d'héritier pour reprendre la petite ferme familiale. Il se désole d'une époque qui veux rendre les femmes plus libres et plus indépendantes. Sans quoi il aurait déjà un fils qui travaillerait déjà dans les champs, plutôt qu'une femme qui s'évertue a avoir une vie professionnelle. Du moins c'est ce qu'il marmonne quand sa bouteille a la main, il sort devant la maison pour hurler sur le voisin. Mais non, ce jour là, il ne s'applique pas a insulter son voisin. Non, ce jour là, y a seulement madame son épouse, qui avec son ventre qu'il peut enfin qualifier de beaucoup trop rond avec raisons, tente de le convaincre de démarrer la vieille camionnette garée au fond du jardin. Mais il dit qu'il a autre chose a faire. Qu'elle a qu'a accouché là, sur le canapé si l'envie lui prend. De toute façon, lui, il s'en fiche. Les gamins, il aime pas ça. Sa femme, il ne la supporte pas. Pourtant, il finira par l'emmener au l'hôpital. Il tournera en rond dans le couloir en soupirant, en murmurant qu'il prend du retard sur son travail. Qu'il doit irriguer le champs de pommes de terre pour finir dans les temps. Et puis, y a cette infirmière toute en blanc qui vient le chercher en souriant, qui lui glisse a l'oreille que oui, enfin il est papa d'une petite fille. Alors quand elle la lui glisse dans les bras, la gamine, la gosse comme il l'appellera, monsieur Pim's il se sent bizarre. Ça oui, il aurait préféré un garçon pour mettre les mains dans la terre et l'aider a porter les sacs de semences. Et puis elle est bizarre la gamine, avec ses grands yeux bruns, et sa façon de resserrer ses tous petits doigts contre son index tout abimé. Merde. Ce soir, faudra peut être qu'il se les lave, les mains. Pour la gamine. Parce qu'elle a des yeux sacrément bruns, des yeux qui lui font comme des picotements bizarres. Non, elle est pas importante la gosse. Ou alors peut être que si.

"Quand j'étais petit, j'étais un jedi."

« Mademoiselle Pim's, veuillez me suivre s'il vous plait. Non, vous n'avez pas besoin de vos affaires. » Poésie, elle a les yeux grands ouverts, et puis elle pose son regard sur lui, sur le type aux cheveux grisonnant, celui qu'a l'air sévère. Pas bien gentil. Emma, elle a a peine seize ans, et c'est elle, qui s'occupe de la ferme. Le travail au champs, elle aime pas vraiment ça. Les poules, ça va. Les gens, ils trouvent pas ça vraiment normal, parce qu'elle est jolie, et puis parce que ça l'abîme. Faut voir ses mains. Mais quand on lui demande, elle répond qu'on peut aller se faire voir si on est pas content. Mais moi je le sais, que c'est pour son père qu'elle fait ça. Ça fait un moment déjà, qu'il tousse trop fort, et qu'il a du mal a se lever. Alors elle y va, elle, a sa place. Elle se lève un peu trop tôt, parce qu'elle dit vouloir faire des études. Ouais, elle va au collège. Parce qu'elle est douée, du moins c'est ce que dit la maitresse. Et puis là bas, c'est là où elle planque son autre vie. La belle. Celle où son père n'est pas malade et où sa mère est un peu plus présente. C'est peut être pour ça aussi, qu'elle lit beaucoup. Pour partir ailleurs. Et puis elle dit qu'elle veut devenir professeur. On lui répond qu'une gamine de paysan, ça reste une gamine de paysan. Point. Et ces gens là, elle les ennuis. Beaucoup. Alors elle jette un regard, peut être un peu inquiet, en direction de Carl. C'est un peu comme son meilleur copain. Alors il sourit. oui, ça se passera bien.« Et m'expliquer où on va, ça vous dirait pas par hasard ? » Elle le suit, il lui lance un regard un peu froid, comme si elle venait de lui demander son numéro de carte bleue. Quel idiot. En plus, sa moustache elle est sacrément laide. Tant pis. Pourtant il grogne, pousse un soupir, murmure que le médecin, il veut son avis avant de débrancher monsieur son père, il dit que sa mère, elle est passé et qu'elle a dit que c'était pas ses affaires a elle. Alors Poésie, elle s'arrête. Son père, c'est son papa, son héro, son modèle. L'homme de sa vie. Non, son sac ne tombe pas sur le sol façon star hollywoodienne. « Allez vous faire voir ! Vous ne le tuerez pas vous m'entendez ?! Jamais ! Non, vous ne tuerez pas mon père ! »

Il est mort. Quelques jours plus tard, Poésie donna son autorisation, du moins c'est qu'on écrivit sur les papiers. Mademoiselle Niravana ( en hommage au célebre groupe de rock ) Poésie ( en hommage a une balade romantique de madame sa mère au bord de la Seine lors qu'elle arborait fièrement la jeunesse de ses vingts ans ) Pim's autorise l'hôpital X a tuer son père. Ou quelque chose comme ça. Madame sa mère ne pleura pas. Non, le monde ne s'effondra pas.

"Moi je suit la lumière de tes ombres et lumières."

« Hé Poésie, tu ramènes illico presto ton jolie p'tit cul ! Les clients c'est pas moi qui vais les servir ! » Elle passe a coté de lui, le type qui hurle dans le bar, éveillant ainsi la curiosité des rares clients. Ouais, elle passe a côté de lui et lui balance un regard qu'elle veut assassin. Si elle pouvait, elle lui balancerait sa démission en lui hurlant ses quatre vérités. Vaniteux, râleur, incompétent, fainéant, et franchement laid ! Ouais, si elle pouvait. Mais elle peut pas. Parce que quelques jours après la mort de son père, y a eu les sirènes, les hurlements, les gens qui couraient un peu partout. Sa mère qu'a dit qu'elle ne mettrait plus jamais un pied ici. Que la môme, elle pouvait bien se débrouiller toute seule. Y a eu les gens qui revenaient, ceux qui prenaient un nouveau départ au milieu des décombres. Et Poésie, elle a perdue tout ce qui lui restait. Une mère, un visage connu et rassurant. Dans un premier temps, elle a vécu là, planquée dans les décombres d'une maison détruite. La sienne. L'école, elle a arrêté. Les gens, elle les a oublié. Y avait juste le chien, celui qu'elle ne connaissait pas mais qui avait choisit d'élire domicile avec elle. Coloc, c'est comme ça qu'elle l'a appelé. Poésie, c'était une gamine sauvage, pas vraiment propre, qui mangeait pas vraiment non plus. Et tout le monde s'en foutait. Parce qu'au milieu des gens qu'il restait, elle avait le même visage de fantôme. La môme et son chien. Et puis a la demande de l'état, elle a vendu ce qu'il restait de la ferme. Des ruines. Sa vie d'avant réduite a de simples ruines. On lui a donné un appartement, pas bien grand, sans trop de fenêtre, mais bien assez pour elle toute seule. « Un café ma mignonne. » Le pervers, il glisse sa main sous la jupe qui lui sert d'uniforme. C'est tous les jours comme ça. Et c'est pour ça que le patron a rendu obligatoire l'uniforme. Parce que les jambes de Poésie, c'est la seule chose qui fait que les clients reviennent. Elle attrape son café, crache dedans, murmure quelques insanités. Poésie, elle parle pas beaucoup aux gens, d'ailleurs, ils ne savent même pas où elle vit. Là, au dessus du café, entre la vieille aux perroquets et l'alcoolique clamant qu'il a fait la guerre. Ou un truc comme ça. Elle aurait voulut faire des études. Pour devenir institutrice, ou alors écrivain. Mais elle écrit plutôt mal, n'aime pas les enfants. Du moins c'est ce qu'elle dit. Les gens la répugne. Parce qu'eux aussi, un jour ils partiront en la laissant là, toute seule. Sa mère, plus de nouvelles. Elle s'en fout, du moins c'est ce qu'elle dit. Parce que Poésie, elle fume trop, et reverait de rentrer dans un chez elle un peu moins vide. Coloc, il devient vieux. D'ailleurs, il aboie même plus quand elle rentre en plein milieu de la nuit. Ouais, il devient vieux. Et puis, y a les bouquins, les livres, les histoires. Poésie, elle lit beaucoup. Mais n'allez pas le raconter, elle vous ferrait certainement manger votre clavier. Ou quelque chose comme ça. « Poésie ! Y a l'type coincé qui veut te voir. » Souvent, les gens ça les surprend, parce que Poésie, des choses elle en connait. Les fleurs du mal de Beaudelaire, la colonisation, la révolution de mai 68. Alors Poésie, elle sourit, lance son torchon tomber sur le comptoir. Sa vie, elle ne la raconte pas aux gens, parce qu'elle ne voudrait pas qu'ils s'apitoie sur son sort. Ou alors qu'ils s'en aille. De sa poche, elle sort une cigarette qu'elle glisse entre ses lèvres. Et puis elle sort. Dehors, il fait froid. De toute façon, elle le répète que cette uniforme, il couvre pas grand chose. La fumée s'échappe du bâton de nicotine qu'elle tient entre ses jolies doigts, et de son sac, elle sort un jean qu'elle enfile là, devant les gens, au milieu de la rue. Tant pis. Poésie, c'est une poupée avec des manières de garçons. « Lu' Jules ! J'ai cru que tu passerais pas. »