age | 20 ans date et lieu de naissance | 13/01/1991 statut social | célibataire métier/études | étudiant en dessin et barmaid

a) Avez vous vécu l'expulsion, oui? Que s'est il passé pour vous?

J'étais bien jeune à l'époque mais jamais je n'oublierais cet instant. Ce jour-là, j'étais en train de jouer dans le jardin, avec Sheridan, nous nous prenions pour des justiciers de l'espace, sauveurs de l'humanité et de demoiselles en détresse. Munis de notre sabre laser, les seules créatures que nous terrorisions n'étaient que des vulgaires écureuils. Super. Marie, la petite voisine d'en face, ne ratait jamais une occasion pour se moquer de nos tentatives héroïques. Elle avait beau être mignonne, elle n'en restait pas moins piquante. Je ne l'aimais pas. Bref, alors que je me prenais pour Dark Vador (j'aimais jouer le rôle des méchants) et que Sheridan remplaçait bravement Obi wan Kenobi, l'agitation s'était répandue comme une bombe dans tout le quartier. Il fallait évacuer, et vite. A l'époque, je ne comprenais pas bien ce qu'il se passait. Je n'étais qu'un gosse effrayé qui avait peur d'une petite araignée. D'ailleurs, l'homme viril que j'étais devenu (euh?) les a toujours en horreur. Quel homme! C'était la panique générale au sein de Devinston et pourtant, ma mère n'avait pas bougé le petit doigt. Elle se délectait de sa bière devant une émission tv qui vous ramollissait le cerveau. Ce fut l'arrivée précipitée de mon père, gueulant comme une fanfare à travers toute la maison, qui l'extirpa de son divan. Je n'avais pas eu le temps de réaliser ce qui se passait que nous étions tous les trois dans la Jeep, en route vers la demeure d'oncle Brad, le grand frère de ma mère.

b) Qu'est ce qui vous a poussé à (re)venir à Devinston town?

J'ai toujours été ce gamin curieux, et la nouvelle qui s'était répandue à travers les journaux télévisés m'a fait rappelé ma vie d'antan. Au fond, cette bonne vieille Devinston m'avait toujours manquée, et partir précipitamment comme je l'avais fait lors de l'alerte générale n'avait pas été à mon goût. C'était un peu comme un deuil auquel on arrivait pas à terme. Comme oncle Brad vivait en Caroline du Sud, à quelques kilomètres de Devinston. Ainsi, nous avions régulièrement des nouvelles de celle-ci, mais les années passèrent, et l'idée de pouvoir y retourner s'envola peu à peu comme des volutes de poussière. Après dix longues années, on passait finalement à autre chose. J'ai été surpris de voir avec quelle rapidité j'ai plié bagages pour retourner dans ma ville natale. Depuis que j'étais en âge de trouver du boulot, j'essayais de m'éloigner de mes parents à l'aide de mes faibles revenus. Le seul regret que j'avais eu était de laisser en plan Brad, sans doute était-ce le seul que je considérais réellement comme ma famille.

c) Que pensez vous de la ville à présent?

Elle me semblait plus petite que dans mes souvenirs, ce qui n'est pas étonnant puisque j'ai grandi depuis lors. Certains quartiers n'ont pas changé, mais peut-être est-ce mon subconscient qui essaie de s'en persuader? J'ai l'impression de revoir les mêmes visages, les mêmes ruelles, la même atmosphère, si ce n'est un brin de nostalgie et de complicité en plus. Après tout, nous avions tous vécu la même situation, aussi délicate était-elle, et ce sentiment de retourner aux sources respirait des retrouvailles chaleureuses et réconfortantes.

«Bonjour Aleks, tu viens pile poil au bon moment! Je viens de sortir du four une tarte aux pommes! » Les vapeurs parfumées vinrent chatouiller le bout du nez du petit garçon qui ne put réprimer un sourire béât. Il adorait passer ses journées chez Sheridan, son voisin. C'était un petit rouquin qui avait un fort caractère, tous deux s'étaient tout de suite entendus à merveille. Ginny, la mère de Sheridan, était aussi douce qu'une crème fouettée, chaleureuse comme un rayon de soleil, et pétillante comme un chiot. Son simple sourire suffisait à embellir sa journée, et il se plaisait à squatter dans leur propriété chaque fois qu'il en avait l'occasion. Ce n'était pas auprès de ses parents qu'il allait trouver un tant soit peu de réconfort et d'affection. Sa mère était femme au foyer et passait ses journées à glander devant la télévision en s'empiffrant de cochonneries qui avaient tôt fait d'atterrir dans son postérieur protubérant. Quant à son père, n'en parlons même pas, les rares fois où on le croisait à la maison étaient une vraie pénitence. Il passait son temps à gueuler, jamais satisfait des performances de sa femme, c'est à peine s'il regardait son fils. C'était un alcoolique qui travaillait à l'armée et qui passait ses soirées chez ses potes, et peut-être même bien chez des amantes. Qu'importe, il n'était qu'un fantôme au sein de la maison. La seule personne qui s'occupait d'Aleks n'était nulle autre que sa propre petite personne. Il s'était pris en main dès son plus jeune âge, préparant lui-même ses propres plats et s'occupant du ménage quand la poussière se faisait sentir à plein nez. Il ne tenait pas à manger des pizza et des chips jusqu'à la fin de sa vie, pas comme sa mère.

Mais Sheridan n'était pas toujours là pour combler sa solitude qui devenait bien trop pesante à son goût. C'est ainsi qu'il découvrit les joies de la correspondance via l'école, son lieu de prédilection pour oublier la bassesse de sa famille. Il n'avait même pas le privilège de bénéficier d'une petite sœur avec qui il aurait pu jouer, il devait se contenter de ses petits voisins et de ses amis à l'école. C'est grâce à internet qu'il fit la connaissance de Sloane, sa correspondante de Dublin. Très vite elle était devenue sa meilleure amie, tous deux pouvaient compter l'un sur l'autre en cas de pépin et se raconter le moindre petit bémol de la journée. Ce n'était pas qu'une relation virtuelle puisqu'il avait le bonheur de l'accueillir à Devinston pendant les vacances.

Il n'avait que dix ans lorsqu'il dut plier bagages suite à l'annonce d'un tsunami. Son père les emmena chez Brad, le frère de sa mère, la seule personne sur qui il pouvait compter au sein de la famille. Il était un peu comme son ange gardien, c'était lui qui l'avait emmené chez le médecin pour ses vaccins ou quand il avait la grippe. D'une part, il était heureux de revoir son oncle, mais la compagnie de ses parents assombrissait un peu ce joli tableau. Ils étaient restés un an chez lui, le temps que son père ait assez de fonds pour louer un appartement dans la Caroline du Sud. Sitôt fait, leur mode de vie semblait faire un bond en arrière, et on pouvait aisément retrouver Betty sur le canapé, scotchée devant la télévision, et un père absent. C'était Aleks qui avait demandé à Brad pour l'inscrire au collège, ses parents n'avaient pas bougé le petit doigt.

«Tu me montres tes dessins? » Aleks souriait face à l'écran. Il était en train de dessiner en montrant ses « chefs d'oeuvre » à Sloane qui ne ratait pas une occasion pour le complimenter sur ses talents artistiques. Il avait toujours été friand de dessin et s'amusait à reproduire des BD héroïques sous forme de comics. « Tu devrais peut-être faire tes devoirs, non? T'avais pas une rédaction à faire en français? » Il soupira en lorgnant l'écran, Sloane avait raison, mais diable qu'il était fainéant. De toute façon, il rédigerait sa dissertation le soir, avant d'aller roupiller, comme d'habitude. Son QI lui permettait de jouer les fainéants, lui qui récoltait d'excellentes notes sans se tuer à la tâche. Il faisait parti des rares personnes à avoir des facilités, réussissant avec une aisance particulière sa scolarité.

C'était un jeune homme fêtard et paresseux, mais on lui pardonnait facilement ses mauvais penchants. A seize ans, il travaillait en noir dans les cuisines d'un restaurant, s'offrant une bonne petite somme pour payer ses études. Ce n'était pas grande chose, mais c'était le strict nécessaire pour ne pas finir dépravé comme sa ratée de mère. A dix-huit ans, il amorçait des études de dessin, dans l'espoir de réaliser un jour son rêve. Pendant la journée, il jouait au brillant petit étudiant semeur de zizanie, et le soir, il travaillait dans un bar en tant que serveur afin de ne pas vivre au jour le jour les poches démunies d'argent. Insomniaque et hyperactif, il ne dormait pas beaucoup, et courir de gauche à droite ne lui causait aucun tort sur sa santé. Et quand il avait le temps, il s'amusait sur le net, étudiant le langage informatique avec minutie. Surdoué et parfois geek, il se plaisait à créer des virus, tourmentant quelques pauvres ignares. Il rêvait de pouvoir créer des jeux vidéos, mais était encore loin du résultant concluant que l'on pouvait retrouver dans les magasins spécifiques.

« C'est qui? » demanda-t-il à Sloane, l'air intrigué face au jeune homme qui se tenait devant lui. D'âge mûr, il affichait la trentaine et dégageait quelque chose comme de la sympathie. « C'est mon oncle, Jagger » répondit-elle distraitement. Une douce chaleur s'était immiscée au niveau de son bas ventre, et c'était ainsi qu'Aleksei s'était entiché de l'oncle de sa meilleure amie.

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